Carnet de voyage, 9 messages
| Extrait de carnet de voyage, mardi 8 mai, Santiago, posté le 2007-05-08 22:52:33
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Tandis qu'en France, on s'évertuait a choisir un nouveau président, je passais loin de toute agitation quelques jours a la Estancia (ferme d'élevage) Otway, tenue par la grand-mere et l'oncle de Alvaro (vous savez, celui qui pique-nique sur les taxis -c'est la qu'il faut suivre...-), a 45 kilometres au nord de Punta Arenas, au milieu d'étendues de natures relativement planes et inhabitées.
Les premieres journées furent loin du rythme de la ferme que l'on connait, avec grasses matinées, peu d'exercices physiques, quelques parties de Wist avec la grand-mere... Je me reposais et me sentais comme chez moi, grace a la gentillesse de tout le monde et l'atmosphere retrouvée de la ferme de mes grands-parents.
Alvaro et moi allions tout de meme nourrir les quelques animaux, tres appréciés des groupes de touristes en haute saison, un peu délaissés maintenant qu'arrive l´hiver. Autruches, nandus, émeus, canards, oies et cormorans. Tout ce petit monde a s'occuper, en particulier ces jeunes derniers, qui se font voler leur nourriture par les mouettes. Egalement la-bas des lamas et des guanacos, toujours prets a vous cracher dessus! |
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Visite des environs, autour du bras de mer Otway (d'ou le nom de la ferme) et du détroit de Magellan.
Vendredi, quelques taches fermieres ont commencé a se dessiner. Cet apres-midi la, je me retrouvais donc sur un grand cheval noir, avec un nouveau role en poche, celui de berger ayant pour but de ramener les moutons au bercail, en préparation a la tonte du lendemain.
"Le cheval, c'est comme le vélo" me dit Alvaro, "ca ne s'oublie pas!". Peut-etre, mais mes 2 ans d'équitation remonte a l'age de 10 ans...
Apres quelques dizaines de metres parcourus, nous voila dans ce pré immense ou broutent tranquillement les betes. Et voila Alvaro, qui s'en va au galop. C'est comme le vélo. Peut-etre. Je devrais donc pouvoir gérer le trot assez facilement. Alvaro avait tort. Je ne sais si ce sont les étriers trop hauts, la selle mal serrée (merci pour cela a mon ami chilien), les trébuchements de ma monture dus aux inégalités du terrain, surement un peu des 3, ajoutées a mon inexpérience, mais me voila, apres quelques longueurs a vitesse accélérée, controlant autant que faire se peut la chose, en train de pencher a gauche. Ma selle est définitivement en train de tourner. Et par conséquent, moi avec. Ma réaction est assez lente, et quand je tire sur les renes pour signifier au cheval de s'arreter, je ne fais que le faire tourner du coté ou je suis en train de m'affaler. Je décide alors d'abandonner les renes, et de m'agripper a la criniere. Voila comment, tel un professionnel qui aurait voulu attraper je-ne-sais-quoi au sol, je m'approchais dangeureusement de celui-ci, toujours sur ma selle qui maintenant était en position verticale. A quelques dizaines de centimetres du sol, le débutant que je suis n'eut pas d'autre solution que de tout lacher, et de tomber lourdement sur le sol herbeux, utilisant avec bien plus d'efficacité mes 15 ans de judo que mes 2 ans d'équitation! |

Je me releve rapidement, rattrape ma monture, et une fois sellé de nouveau, je rechausse. Mais je me tiendrais pour le reste de la journée a une vitesse maximale équivalent a un pas rapide. Rabattant les ovins vers l'enclos visé, en criant, s'agitant, faisant aller et retour, descendant de la monture pour rattraper certains petits malins passés derriere les clotures, remontant en selle, remettant pied a terre pour en embarquer un trop faible, le hissant avec moi sur le cheval, tandis que Alvaro s'occupe d'un agneau aveugle, seulement du a la trop grande quantité de laine qui lui recouvrent les yeux...
La grosse journée arriva le samedi. La matinée fut dédier a la tonte des agneaux et des femelles, auxquels on ne rase que la tete, leur laissant le reste durant l´hiver rigoureux qui arrive. Moins fatiguant pour celui qui tond, plus pour les autres comme moi; conduire les betes dans les enclos successifs, les trier, les attraper, les retourner, les vacciner, les tondre puis les marquer de bleu, avant de les relacher...
L'apres-midi, voila les males, plus gros, plus rebelles, nécessitant parfois de leur attacher 3 de leurs pattes ensemble avant la tonte. Tout le corps y passe, les males étant plus résistants. Deux personnes a l'oeuvre cette fois pour la tonte, qui dure quelques 5 minutes par animal.
Encore une fois, une belle chute pour moi apres avoir glissé en retournant un bon gros male de 90 kilos, aidé par son collegue qui m'avait chargé par derriere.
Et le lendemain matin, rebelote, cette fois avec 3 heures de sommeil en poche, samedi soir oblige, avec une grosse soirée a Punta Arenas...
Je crois avoir perdu quelques cheveux depuis le début de mon tour. Enfin, du moment que je ne perds pas mes dents! |
| Extrait de carnet de voyage, 5eme et 6eme jour de randonnée, posté le 2007-04-26 02:01:52
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Petit aller-retour en cette 5eme journée de randonnée jusqu'au campement situé juste au-dessous de la partie difficile de la grande boucle, un col situé à 1200 mètres. Je me suis résigné à ne pas passer par ce col, suite aux différents échos récoltés pendant ces derniers jours. Apparemment, là-haut, la neige monte jusqu'aux genoux et tous les gens que j'ai rencontré ont du rebroussé chemin. Dernière information, un allemand a été évacué dernièrement après s'être brisé la jambe. Sans crampons, sans binôme, le risque est trop grand. Je me contenterai de la partie officiellement ouverte pour cette fois.
La voie lactée est magnifique. Pas de pollution lumineuse et les sections les plus brillantes et les plus colorées de la voie lactée sont situées dans l'hémisphère sud. Une bonne raison de faire un tour par ici, non? |

En ce 6eme jour, j'ai fait la course avec les nuages. Ils m'ont laissé un peu d'avance avant d'avaler le glacier et de glisser sur le lac que je longeais en sens inverse d'il y a deux jours. Bien sur, je n'ai pas rivalisé longtemps et bientôt le mur nuageux et la neige me débordaient. La neige silencieuse, qui eut vite fait de recouvrir les alentours (jusqu'a maintenant assez bas en altitude pour être épargnés), m'offrant un drôle de dégradé temporel, du clair timide en quelques minutes au blanc scintillant après quelques heures...
Voila l´heure du repas, les nuages se sont retirés et laisse apparaître le ciel bleu.
Apparemment les nuages aiment jouer avec moi, car me voila à peine reparti qu'ils surgissent sur ma droite, prêts pour une nouvelle course poursuite. Cette fois, la partie est plus équilibrée mais bien que le ciel bleu soit au-dessus de moi, le vent complice me souffle de gros flocons de neige dans le dos... Finalement, arrivé au campement, pour ma dernière nuit, les nuages bons joueurs me laissent profiter du soleil. Au moins le temps d'installer ma tente!
En attendant demain, le retour et la douche chaude tant convoitée... | En bonus, un fichier vidéo: cliquez ici |
| Extrait de carnet de voyage, 4eme jour de randonnée, posté le 2007-04-26 01:32:35
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La solution fut la bonne. Mes sachets de nourriture, perchés bien haut, n'ont pas été touchés.
Hélas pour moi, j'avais gardé quelques réserves avec moi sous la tente, persuadé que tout paquet non ouvert ne pouvait être reniflé à travers mon sac à dos.
Un certain vicieux s'est fait un malin plaisir de me prouver le contraire. Mal lui en a pris.
En l'occurrence, un mulot a profité de mon sommeil pour grignoter la moustiquaire intérieure de ma tente et s'ínfiltrer à travers mon logement de quelques jours. Je fus réveillé avant qu'il ne s'attaque à mon sac à dos. Effrayé par ma lampe frontale, le rongeur tentait désespérément de retrouver la sortie en faisant des bonds ridicules. Pas bien futé, car autant l'aspect voûté d'une tente facilite l'escalade de l'extérieur, autant de l'intérieur le mulot ne pouvait plus atteindre son trou, perché à 20 centimètres de hauteur! |

Je passais les premières minutes dans une course poursuite à travers mon étroite tente, l'animal terrorisé ne cessant de courir dans tous les sens et de se cacher sous mes affaires. Un vrai tétris grandeur nature, pour finalement réussir à le piéger dans un coin. Je l'observais de longues secondes (surtout pour lui je suppose), mignon petit mulot, au meilleur de sa forme, si ce n'était son aspect pétrifié de peur.
Apres réflexion, pour ce que vaut la réflexion d'une personne juste réveillée, je restais sans solution. Si je le laissais s'échapper, il reviendrait pendant la nuit. Et je ne pouvais me résigner à le tuer. Pas pour un trou dans ma tente et quelques corn flakes. Je tentais donc de le capturer avec un linge. Plutôt compliqué. Je voulais l'effrayer suffisamment pour que, si je le relâchais, il n'ose pas revenir. |

Mais la bête est rapide. Elle part à droite, crochet à gauche, un petit tour de tente, même joueur joue encore...
Jusqu'a ce que, croyant l'avoir coincé, il surgit de sous mon linge droit vers ma tête (le toit de ma tente est trop bas pour que je puisse adopter une position autre que couchée). Dans un réflexe assez brutal, je claque le mulot contre le sol avec ma paume, comme j'aurais écrasé un moustique. Je m'horrifie moi-même. En regardant le mulot, je m'aperçois que ses deux pattes de derrière sont maintenant immobiles et qu'il se traîne désespérément sur ses deux pattes avant. Le choix n'est plus bien dur. Il faut l'achever maintenant. Alors je tape. Une fois. Deux fois. Le voila assommé, mais ses poumons fonctionnent encore. Cela devient difficilement supportable. Je crie: "Tu vas crever oui!". Encore. Cette fois le voila mort. Je le regarde, m'excuse, m'excuse encore, le prend par la queue et le jette au loin.
Cela ne m'empêcha pas de dormir, mais j'eus l'impression toute la nuit d'entendre son compagnon le chercher tout autour de la tente...
Journée ensoleillée et ciel bleu. Et fin de parcours somptueuse. La mâchoire m'en est tombée, comme dans les dessins animés. Ce n'est pas une image. J'avais vraiment la gueule ouverte devant ce paysage de fiction. La, sur ce chemin surplombant la vallée, je dévorais des yeux ce lac bordé de basses collines et ces montagnes aux sommets de glace quand soudain le lac se fige totalement. Il a fait place à la glace, à une immense mer, joignant d'un bord à l'autre de grands colosses de pierre et de neige contrariés par quelques vents qui, par intermittence, les couvrent de fins voiles blancs. Le glacier, par opposition, reste immobile, comme si le vent ne pouvait rien contre lui. Blanc, bleu, comme une eau immobile, on peut même y voir des vagues qui ne brisent jamais. Et au fond, une avalanche. Une avalanche de nuages, qui semblent couler entre les montagnes, glissant sur le glacier. Une avalanche qui s'est elle aussi immobilisée, comme si elle hésitait à nous avaler... |
| Extrait de carnet de voyage, 3eme jour de randonnée, posté le 2007-04-26 01:02:54
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Cette nuit, quelques mulots ont pioché dans mes réserves de nourriture: corn flakes, barres de céréales, fromages, sacs plastiques... Un vrai festin. Apparemment, malgré que l'on m'est prévenu auparavant, je n'ai pas accroché les sacs assez haut!
Ce matin, nous voilà quatre à s'engager dans la remontée de la vallée de France. Le temps est pluvieux. Apres une demi-heure, la pluie s'intensifie, le vent se lève, la vue est toujours aussi réduite. Tout le monde est trempé, pour ce qui est de l'extérieur tout au moins. Les chemins deviennent des ruisseaux, et bientôt la neige semi-fondue fait son apparition au sol. Mes 3 compagnons laissent tomber et rebroussent chemin. |

Je continue. Je suis sec dans mes chaussures, j'ai à manger et le moral.
Peut-être ai-je tort car plus je monte et plus le temps se dégrade. La pluie fait rapidement place à la neige, le vent commence à assommer par ses rafales. Heureusement la plupart du chemin est sous couvert des arbres. Mais, à chaque passage à découvert, c'est l'enfer. Les bourrasques obligent à se camper fermement sur ses pieds pendant plusieurs secondes, à attendre immobile la prochaine accalmie, sous peine d'être projeté hors du chemin, un chemin ou les traces de pas de la veille sont maintenant à peine visibles... Je suis le premier à passer par là aujourd´hui et si les conditions perdurent, je serai probablement le seul.
Finalement, j'arrive au campement supérieur, plutôt désert à cette époque, avec ces 20 centimètres de neige au sol. Je trouve une sorte d'abri composé de quelques pierres et troncs et d'une bâche plastique bleue. L'abri a souffert, seul un faible espace reste utilisable et sec. Suffisant pour une personne. La, j'en profite pour manger en attendant que la tempête de neige faiblisse. A chaque bourrasque de vent, la moitié de la bâche se soulève et me rappelle que le vent et la neige m'attendent.
Quand je me décide après une petite heure à redescendre vers mon campement, résigné, la neige s'arrête soudainement. Le vent redouble par contre d'efforts, et alors que je suis à la lutte avec lui dans un de ces espaces ouverts, de magnifiques sommets commencent à se dévoiler. Alors je décide de patienter. Effort payant, car si tout ne se montrera pas, le petit bout qui me sera donné fut déjà un beau cadeau...
En redescendant un peu plus tard, je croisais un deuxième courageux en chemin vers le haut, échangeais quelques infos avec lui, et le laissais poursuivre son chemin. Mais déjà je voyais les nuages redescendre, les somptueux colosses de pierre surplombant la vallée disparaître de nouveau et les glaciers se recouvrir d'un voile neigeux...
Ce soir, j'accroche la nourriture encore plus haut, en espérant que les morfales ne soient pas en fait des oiseaux ou des écureuils! | En bonus, un fichier vidéo: cliquez ici |
| Extrait de carnet de voyage, 2eme jour de randonnée, posté le 2007-04-26 00:42:13
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Exaucé! Le plafond nuageux est remonté et a même laissé quelques failles cet après-midi, par lesquelles le soleil s'est infiltré.
Première nuit un peu frileuse mais pas tant que ça. A peine 0 degré. Malgré cela, l´humidité ambiante m'a obligé à m'enfoncer bien au fond de mon duvet sarcophage. Le froid vient surtout du sol, et ce malgré le tapis de sol. J'ai donc dormi une grande partie de la nuit sur le coté, exposant une surface moindre.
Petit échauffement avant de plier la tente ce matin, en montant au pied des "Torres del Paine", une petite heure au milieu de gros cailloux enneigés et glissants, ce qui ne facilite pas l'ascension. Mais une fois en haut, rien n'est regretté. Les trois dames sont là, tours de pierre élancées, elles veillent sur un petit lac à leur pied. J'ai dit ces dames et non ces messieurs, peut-être parce que le mot "tour" est féminin, plus probablement parce qu'elles ont cette élégance, cette posture droite et fière, ce dédain, cette finesse et cette beauté que seules les femmes possèdent. La dernière dame, la plus grande, se sert des nuages comme d'un chapeau, cachant juste le sommet de son crâne. Peut-être veut-elle cacher quelques problèmes de calvitie; à son age, ce serait bien normal. |

J'ai attendu que tout le monde soit parti. Histoire d'avoir mon petit moment d'intimité avec ces dames. Non pas qu'elles voulaient que je reste. J'avais même l'impression du contraire. Car à l'entrée de ce cirque enneigé, qui donnait l'hospitalité à cette étendue opaque, surplombée par quelques glaciers peu rassurants puis par ces magnifiques gardiennes, le vent, la neige et le froid me fouettait le corps tout entier. Apres ces quelques minutes ou les éléments de la nature, l'eau, l'air et la terre, m'avaient pris sous leur aile et emmené loin de tout, je revenais à moi et commençais à redescendre...
La journée fut belle. Je regardais flotter les larges faucons, et profitait du beau temps pour marcher un peu. 7 heures et demie pour 11 heures estimées officiellement sur la carte du parc. Les journées ne peuvent pas être beaucoup plus longues, le jour pointant à 7h30 et disparaissant à 18h30. |

Le soir seulement, la pluie revint et je passais une courte soirée en compagnie d'un anglais et d'un belge, qui m'offrait mon premier maté. Le comble, non? |
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